Du 1er au 5 décembre 2025, des représentant.e.s des États parties au Statut de Rome, des organisations internationales et de la société civile, se sont réuni.e.s à La Haye, aux Pays-Bas, pour la 24e session de l'Assemblée des États parties à la Cour pénale internationale. Dans un contexte marqué par une pression politique croissante sur le système du Statut de Rome, cette session a permis de réaffirmer notre engagement collectif à lutter contre l’impunité et à défendre le traité fondateur de la Cour pénale internationale – chargée d’enquêter et de poursuivre les individus responsables des crimes les plus graves préoccupant la communauté internationale : le crime de génocide, les crimes contre l’humanité, les crimes de guerre et le crime d’agression.
Malgré une coopération en recul, une procédure de retrait du Statut de Rome et des tensions géopolitiques croissantes, l’Action mondiale des parlementaires a eu l’honneur d’inviter l’Honorable Grace Neema Paininye, députée (République démocratique du Congo), et l’Honorable Fawzia Koofi, députée en exil (Afghanistan), à s’adresser aux participant.e.s afin d’appeler à renforcer les mécanismes de justice internationale et à apporter un soutien accru aux survivant.e.s et aux communautés de victimes dans leurs pays respectifs et à l’échelle mondiale.
L'urgence de promouvoir l'universalité du Statut de Rome
Le 1er décembre 2025, lors d'un événement parallèle co-organisé avec l’Action mondiale des parlementaires, les représentants des États agissant en qualité de point focal sur la question de l’universalité, — l’ambassadeur de la République de Corée, S.E. l’ambassadeur Seok-in Hong, et le représentant permanent des Pays-Bas auprès de la Cour pénale internationale, S.E. Govert Jan Bijl de Vroe — ont mis en lumière les efforts déployés par leurs pays pour étendre la juridiction universelle du Statut de Rome. Ils ont réaffirmé leur engagement à poursuivre la promotion de la ratification du Statut, notamment dans la région Asie-Pacifique (la moins représentée parmi les États parties). Pour atteindre cet objectif, ils ont souligné l’importance de la coopération mondiale et le rôle crucial joué par la société civile et l’Action mondiale des parlementaires, grâce à son réseau mondial.
La Présidente de la Cour pénale internationale, S.E. la juge Tomoko Akane, a souligné combien le principe d’universalité renforçait la légitimité de la Cour et consolidait l’engagement international pris lors de l’adoption du Statut de Rome. Elle a insisté sur l’importance de la mise en œuvre nationale et du principe de complémentarité, qui permet aux autorités nationales de poursuivre les crimes contenus dans le Statut de Rome. À mesure que la charge de travail de la Cour augmente, faire progresser l’universalité du Statut de Rome constitue un facteur clé pour permettre à la Cour pénale internationale de fonctionner plus efficacement.
En abordant la question des retraits du Statut de Rome, la présidente de l’Assemblée des États parties (AEP), S.E. l’ambassadrice Päivi Kaukoranta, a exposé le rôle du secrétariat de l’AEP dans l’engagement précoce avec les pays concernés, tout en encourageant tous.tes les autres acteur.ice.s à faire de même afin de renforcer les efforts visant à corriger les idées reçues sur la Cour.
L'ambassadeur d'Ukraine aux Pays-Bas, S.E. l'ambassadeur Andriy Kostin, a déclaré que la décision prise par l’Ukraine, lors de sa ratification du Statut de Rome, en octobre 2024 (article disponible en anglais) avait apporté une réponse directe à la guerre d’agression de la Fédération de Russie, témoignant de la volonté de son pays de s’affirmer comme un défenseur de l’ordre juridique international. Pour lui, les six mandats d’arrêt publics émis par la Cour pénale internationale contre des haut.e.s responsables russes prouvent que même les plus haut.e.s dirigeant.e.s peuvent être tenu.e.s pour responsables — un élément essentiel pour renforcer la confiance dans la justice internationale. Mettant en garde contre le fait qu’une « justice retardée est souvent une justice refusée », il a souligné la nécessité de prioriser le principe de responsabilité pour les crimes les plus graves en soutenant les efforts des mécanismes judiciaires aux niveaux national, régional et international. Il a reconnu les limites de la juridiction de la CPI en matière de crime d’agression, et l'importance de la création du Tribunal spécial pour le crime d’agression contre l’Ukraine afin de combler le manque de mise en œuvre du principe de responsabilité dans la situation ukrainienne.
Les parlementaires appellent à la mise en œuvre du principe de responsabilité dans un contexte marqué par la commission d’atrocités
L'honorable Grace Neema Paininye, députée (République démocratique du Congo), a décrit les décennies de conflit et de crimes affectant les communautés en République démocratique du Congo. Elle a souligné le rôle décisif des parlementaires dans le soutien aux survivant.e.s et aux communautés de victimes, notamment en renforçant et en harmonisant la législation nationale avec le Statut de Rome. Elle a mentionné que les parlementaires congolais jouent un rôle important de contrôle et contribuent également à la mobilisation en faveur de la création d'une Cour pénale spéciale dans le pays. Elle a noté l’importance de soutenir les programmes psycho-sociaux et de santé, de financer les réparations et de renforcer les mécanismes de justice transitionnelle.
Nous savons que la paix durable exige la vérité, la reconnaissance de la souffrance des victimes et le rétablissement de la confiance entre les citoyen.ne.s et les institutions. (…) La RDC attend de la communauté internationale un soutien clair et inébranlable pour que les principes consacrés dans le Statut de Rome ne restent pas théoriques, mais deviennent vivants, applicables et efficaces. L’Honorable Grace Neema Paininye, députée (République démocratique du Congo)
L’honorable Fawzia Koofi, députée en exil (Afghanistan), a rappelé à l’auditoire que la capacité à donner la parole aux personnes les plus vulnérables et à assurer leur protection par des mécanismes relatifs au principe de responsabilité est aujourd’hui, plus que jamais, mise à l’épreuve. L’Afghanistan est le seul pays où plus de 18 millions de femmes sont opprimées en raison de leur genre. Une telle répression peut constituer un crime d'apartheid de genre, qui doit être reconnu et codifié dans le droit international, notamment dans le cadre du projet de convention sur les crimes contre l'humanité et d’un amendement au Statut de Rome (voir la note de synthèse politique de PGA sur l’apartheid de genre, qui souligne le rôle des parlementaires pour appeler à la reconnaissance et à la codification de l’apartheid de genre comme crime au niveau international). Soulignant l’importance des avancées à la Cour pénale internationale, notamment les deux mandats d'arrêt publics contre des dirigeants talibans, elle a insisté sur le besoin d’un soutien accru de la part de la communauté internationale pour que le principe de responsabilité puisse prévaloir. De telles mesures, comme ces mandats d’arrêt, sont porteuses d’espoir pour la communauté afghane, lui donnant le sentiment que le monde ne l’a pas oubliée.
Il existe un effacement systématique des femmes de la vie publique, sociale et politique en Afghanistan. (…) Les femmes sont opprimées, ce qui n’est pas leur choix. Nous n’avons pas choisi d’être des femmes, donc nous ne devrions pas porter le fardeau imposé par des dictateurs. Ce qui se passe en Afghanistan pourrait arriver n’importe où demain. Soutenir le principe de responsabilité à l’échelle globale est une responsabilité mondiale. L’Honorable Fawzia Koofi, députée en exil (Afghanistan)
Une promesse de solidarité par des engagements renforcés
À la fin de la semaine, les États parties ont adopté à l'unanimité six résolutions sur :
- Le renforcement de la Cour pénale internationale et de l'Assemblée des États parties ;
- La coopération ;
- Les amendements au Règlement de procédure et de preuve de la Cour pénale internationale ;
- La mise en œuvre de la recommandation R108 du Groupe d'experts indépendants relative à la mise en œuvre de panels d’enquête ad hoc en cas de plaintes contre des responsables élu.e.s ;
- La procédure et les critères relatifs à la dérogation et à la suspension des droits de vote, et
- Le budget-programme pour 2026.
Le paysage géopolitique étant de plus en plus complexe, il pousse tous les acteur.ice.s à reconnaître l’urgence de renforcer les efforts collectifs pour garantir le principe de responsabilité. Cela inclut la protection et l’extension du système du Statut de Rome, un facteur essentiel à la protection des survivant.e.s et des communautés de victimes, ainsi qu’au soutien aux organisations de la société civile et aux défenseur.e.s des droits humains qui sont en première ligne des efforts en faveur de la justice et pourtant, de plus en plus exposé.e.s à des risques. La remise, par l’Allemagne, d’un suspect dans l’affaire de la Libye (disponible en anglais) à la Cour pénale internationale a constitué un développement significatif en marge de l’Assemblée. Depuis l’ouverture de l’enquête en 2011, c’est la première fois qu’un suspect accusé de crimes internationaux commis en Libye est traduit devant la Cour, redonnant ainsi espoir à des centaines de victimes et survivant.e.s en quête de justice.



Nous savons que la paix durable exige la vérité, la reconnaissance de la souffrance des victimes et le rétablissement de la confiance entre les citoyen.ne.s et les institutions. (…) La RDC attend de la communauté internationale un soutien clair et inébranlable pour que les principes consacrés dans le Statut de Rome ne restent pas théoriques, mais deviennent vivants, applicables et efficaces.
L’Honorable Grace Neema Paininye, députée (République démocratique du Congo)
Il existe un effacement systématique des femmes de la vie publique, sociale et politique en Afghanistan. (…) Les femmes sont opprimées, ce qui n’est pas leur choix. Nous n’avons pas choisi d’être des femmes, donc nous ne devrions pas porter le fardeau imposé par des dictateurs. Ce qui se passe en Afghanistan pourrait arriver n’importe où demain. Soutenir le principe de responsabilité à l’échelle globale est une responsabilité mondiale.
L’Honorable Fawzia Koofi, députée en exil (Afghanistan)






