Du 7 au 9 juillet 2025, le comité exécutif de l'Action mondiale des parlementaires (PGA) a pris part à la session extraordinaire consacrée à l'examen des amendements relatifs au crime d'agression, organisée par l'Assemblée des États parties au Statut de Rome de la Cour pénale internationale (CPI), au siège des Nations Unies à New York. Cette session offrait aux États parties une occasion unique d'harmoniser la compétence de la Cour en matière de crime d'agression avec celle exercée pour les crimes de génocide, les crimes contre l'humanité et les crimes de guerre – un enjeu pour lequel PGA plaide depuis longtemps.
Des parlementaires ont activement participé à l'ensemble des travaux aux côtés des organisations de la société civile. Notre président, l'honorable Syed Naveed Qamar, député (Pakistan), est intervenu lors du débat général (discours disponible en anglais). L'honorable Amanza-Walton-Desir, ancienne députée (Guyana), a pris la parole à l'occasion d'un événement parallèle coorganisé par PGA. Des membres du comité exécutif originaires d'Autriche, d'Argentine, du Cameroun, du Pakistan et d'Ukraine ont également pris part aux réunions officielles. Enfin, le secrétariat de PGA a adressé un message fort pendant la session plénière lors des consultations informelles (discours disponible en anglais), appelant à l'harmonisation des compétences de la Cour au nom d'un groupe d'organisations de la société civile.
Alors même que la nécessité urgente d'harmoniser les compétences de la Cour ait été largement reconnue et soutenue, l'initiative a été bloquée par l'opposition d'un petit groupe d'États parties, parmi lesquels le Canada, la France, le Japon, la Nouvelle-Zélande et le Royaume-Uni. Faute de consensus, l'Assemblée des États parties a adopté une résolution (disponible en anglais) convoquant une nouvelle session extraordinaire en 2029, date à laquelle la proposition d'amendement sur l'harmonisation sera de nouveau examinée – cette proposition d'amendement a été déposée en avril 2025 par le Costa Rica, l'Allemagne, la Sierra Leone, la Slovénie et le Vanuatu.
La nécessité de combler le déficit en matière de principe de responsabilité
Les amendements de Kampala, adoptés à l'unanimité par les États parties en juin 2010, ont permis de définir le crime d'agression et d'établir la procédure permettant à la Cour pénale internationale (CPI) d'exercer sa compétence. Ces amendements sont entrés en vigueur en 2018, habilitant la Cour à engager le principe de responsabilité des dirigeant.e.s politiques et militaires pour les formes les plus graves de recours illégal à la force.
Cependant, contrairement aux trois autres crimes fondamentaux relevant du Statut de Rome, la CPI ne peut poursuivre les actes d'agression impliquant des États non parties ou des États parties n'ayant pas ratifié les amendements. Même lorsqu'un acte d'agression est commis sur le territoire d'un État partie ayant accepté la compétence de la Cour pour ce crime, la Cour demeure empêchée d'exercer sa compétence. Ces restrictions ont créé un véritable déficit en matière de principe de responsabilité, au détriment des victimes de guerres d'agression.
Puisque le recours illégal à la force se poursuit à travers le monde, la nécessité de combler ce déficit en harmonisant la compétence de la CPI en matière de crime d'agression se fait plus pressante que jamais. Les actes d'agression violent non seulement l'interdiction internationale de l'usage de la force – un principe fondamental du droit international inscrit dans la Charte des Nations Unies – mais entraînent également de graves violations des droits humains et des crimes d'atrocité.
Les défis pour atteindre le consensus : répondre aux principales objections
Les États parties avaient convenu d'examiner les amendements sept ans après leur activation, ce qui a conduit à la session extraordinaire de juillet 2025. Au cours des réunions préparatoires et du débat général, de nombreux pays ont réaffirmé leur soutien au principe de responsabilité et à l'harmonisation comme étant la voie incontournable pour renforcer le système du Statut de Rome et faire progresser la lutte contre l'impunité. Toutefois, plusieurs États parties ont soulevé des objections, invoquant souvent des arguments juridiques et politiques, notamment sur les sujets suivants :
- Le rôle du Conseil de sécurité de l'ONU
Certain.e.s estiment que seul le Conseil de sécurité de l'ONU est habilité à déterminer l'existence d'un acte d'agression. Bien que le Conseil joue un rôle crucial dans le maintien de la paix et de la sécurité internationale, la CPI agit de manière indépendante et impartiale. Elle doit pouvoir procéder à ses propres appréciations juridiques. S'en remettre exclusivement à un organe politique compromet l'impartialité et l'efficacité de la Cour, notamment dans les situations de blocage du Conseil, comme l'illustre son inaction face à l'agression de la Fédération de Russie contre l'Ukraine.
- Les défis liés à la question de compétence
D'autres arguments critiques soutiennent que le crime d'agression serait trop complexe pour la CPI, ou qu'il relèverait davantage des juridictions nationales. Or, bien que de nombreux États parties aient intégré ce crime dans leur législation pénale, les poursuites nationales sont fortement limitées en raison de la nature du crime – qui vise les haut.e.s responsables – et de sa complexité. Un État ne peut en pratique poursuivre les plus haut.e.s dirigeant.e.s d'un autre État en raison des immunités personnelles. La CPI reste la seule instance capable d'engager la responsabilité pénale de dirigeant.e.s d'États parties.
- La définition du crime d'agression
Des États estiment que la définition du crime d'agression est trop vague, notamment en ce qui concerne ses conséquences potentielles sur le droit à la légitime défense ou les interventions humanitaires. Pourtant, le Statut de Rome propose une définition claire, fondée sur le consensus et fruit de décennies de délibérations et de négociations juridiques. De nombreux États parties ayant déjà ratifié les amendements les ont également intégrés dans leur législation nationale, offrant ainsi des exemples de bonnes pratiques pour répondre à ces préoccupations.
- L'absence de ratification par l'ensemble des États parties
À ce jour, 49 États parties ont ratifié les amendements relatifs au crime d'agression, ce qui fait de ces derniers les amendements au Statut de Rome les plus largement ratifiés. Les récentes ratifications – comme celle des Seychelles le 1er juillet 2025 – témoignent d'un élan croissant pour le principe de responsabilité, comme l'a souligné l'honorable Bernard Georges, député (Seychelles) et membre du comité exécutif de PGA. Les parlementaires ont un rôle déterminant à jouer dans ce processus.
Solidarité avec les victimes du crime d'agression
L'Action mondiale des parlementaires exprime sa solidarité avec les victimes du crime d'agression et souligne le rôle essentiel des parlementaires dans la défense du principe de responsabilité. En tant que représentant.e.s des citoyen.ne.s directement touché.e.s par des actes d'agression, les parlementaires ont une voix qui compte dans l'effort collectif visant à combler le vide en matière de principe de responsabilité et à garantir un accès équitable à la justice pour tout.e.s les victimes.
Le président du comité exécutif de PGA, l'honorable Syed Naveed Qamar, a exhorté les États à adopter l'amendement proposé conformément à l'article 121, paragraphe 5, du Statut de Rome – la même procédure que celle suivie pour les amendements de Kampala. « Il n'y a pas de place pour des compromis qui trahiraient les victimes de ce crime d'atrocité », a-t-il déclaré.
Afin de porter les voix des communautés touchées, PGA a également coorganisé un événement parallèle le 7 juillet, intitulé : « Ce qui est en jeu : l'impact dévastateur sur les victimes du crime d'agression et la nécessité de l'harmonisation du point de vue de la société civile ». Organisé en partenariat avec le European Center for Constitutional and Human Rights, la Global Initiative for the Prevention of Aggression, et Trial International, et accueilli par la Suisse, l'événement a réuni des perspectives diverses en provenance d'Arménie, de la République démocratique du Congo (RDC), du Guyana et d'Ukraine.
S'appuyant sur leurs expériences nationales, les intervenant.e.s issu.e.s d'organisations de la société civile ont livré des témoignages bouleversants sur les effets dévastateurs du crime d'agression sur les populations civiles. Leurs récits poignants ont mis en lumière toutes les atrocités subies par les victimes et les survivant.e.s : déplacements forcés, exécutions extrajudiciaires, actes de torture, viols et autres violences sexuelles, destruction des moyens de subsistance, crises humanitaires majeures et traumatismes psychologiques profonds. Les défenseur.e.s des droits humains, en documentant ces crimes et en les dénonçant, sont également exposé.e.s à des enlèvements et à d'autres formes de représailles. Un message récurrent a marqué l'ensemble des interventions : l'extrême urgence de combler le vide actuel en matière de principe de responsabilité, car l'absence de poursuites efficaces pour le crime d'agression alimente l'impunité et permet la commission d'autres crimes d'atrocité.
L'Honorable Amanza Walton-Desir, ancienne députée (Guyana), a insisté sur la volonté politique nécessaire pour faire progresser l'harmonisation. S'inspirant de l'expérience de son pays en matière de tensions territoriales, elle a souligné l'importance cruciale d'harmoniser la compétence, en particulier pour les petits États. « Ce n'est pas un débat abstrait […]. Quand les petites nations sont menacées, l'efficacité du droit international est notre seule protection », a-t-elle affirmé.
L'événement s'est conclu sur des déclarations fortes, soulignant l'importance du rôle des organisations de la société civile dans la dénonciation du crime d'agression, notamment de la part des communautés les plus touchées. Les intervenant.e.s ont également mis en avant le rôle fondamental de la justice dans le processus de guérison des victimes, et ont lancé un appel pressant aux États afin qu'ils ne tardent plus à entreprendre les réformes nécessaires pour traduire en justice les auteur.e.s de crimes d'agression.
La mobilisation de l'Action mondiale des parlementaires a envoyé un message fort et uni : la justice doit être cohérente, les droits de toutes les victimes doivent êtres garantis et le système du Statut de Rome doit être renforcé. Dans un contexte mondial marqué par l'escalade des guerres d'agression, nous continuerons de travailler étroitement avec nos membres parlementaires afin que l'harmonisation du Statut de Rome devienne une réalité et que personne ne soit laissé.e pour compte dans la lutte contre l'impunité.





