Les droits humains en Afghanistan subissent une détérioration alarmante et continue sous le régime des talibans, qui impose une oppression systématique et une discrimination ciblée à l’égard des femmes et des filles. Selon les expert.e.s, cette discrimination institutionnalisée s’apparente à un « apartheid de genre » : un crime défini comme une « guerre extrême, systématique et structurelle » de domination, visant à déshumaniser et opprimer les femmes.
Le 19 juin 2025, l’Action mondiale des parlementaires (PGA) a organisé une table ronde de haut niveau dans le cadre de l’Initiative mondiale contre l’impunité, afin de faciliter le dialogue sur la nécessité de renforcer le principe de responsabilité en matière de justice de genre en Afghanistan. Le Sénat des Pays-Bas a généreusement accueilli cet événement, qui a réuni des parlementaires afghan.e.s en exil, des défenseures des droits humains afghanes, des sénateurs néerlandais, des expert.e.s internationaux.les, ainsi que des représentant.e.s de différents États et d’organisations de la société civile.
Plaider pour le principe de responsabilité en Afghanistan
« Nous sommes toutes et tous impliqué.e.s dans ce combat », a déclaré le sénateur Jan Anthonie Bruijn, président du Sénat des Pays-Bas, réaffirmant l’engagement collectif dans la défense et la promotion de l’État de droit et la démocratie. Le sénateur Boris Dittrich (Pays-Bas) et coordonnateur de notre Campagne pour le Statut de Rome de la Cour pénale internationale (CPI), a rappelé la responsabilité collective de veiller à ce que la population afghane – et en particulier les femmes – ne soit pas laissée pour compte. Il a appelé l’ensemble des parties prenantes à élever la voix et à mobiliser tous les instruments de justice internationale pour faire respecter le principe de responsabilité et mettre fin à l’impunité – efforts d’autant plus nécessaires que le système judiciaire mondial est confronté à des pressions et des menaces croissantes.
Les parlementaires afghan.e.s en exil, profondément lié.e.s aux citoyen.ne.s resté.e.s sur le territoire, ont exprimé leur inquiétude face à la marginalisation croissante des femmes et de la société civile afghane. Mme Fawzia Koofi, ancienne députée en exil (Afghanistan) et lauréate du Prix 2024 des défenseur.e.s de la démocratie décerné par PGA, a souligné l’interdépendance entre droits humains, droits des femmes, paix et sécurité. Elle a mis en garde contre toute forme de reconnaissance du régime des talibans, y compris au nom de la lutte contre le terrorisme, soulignant qu’ils constituent eux-mêmes la principale source d’insécurité. Aucune mesure ne doit être prise au détriment de la société afghane : les Afghan.e.s, et en particulier les femmes, doivent rester au cœur de tout processus déterminant l’avenir du pays.
Mme Mariam Solaimankhil, députée en exil (Afghanistan) a appuyé ce message : « l’Afghanistan est tombé à la suite d’un accord conclu à huis clos qui excluait les femmes. Aujourd’hui, les Afghanes se battent en première ligne. » De son point de vue, si la communauté internationale devait rester passive, la crise en Afghanistan dépasserait rapidement ses frontières. Ainsi, elle a appelé les États et les autres acteur.rice.s à faire entendre leur voix et à exiger la mise en œuvre du principe de responsabilité à tous les niveaux.
Reconnaître l’apartheid de genre
Lors de la table ronde, les intervenant.e.s ont souligné l’urgence de codifier l’apartheid de genre en tant que crime au regard du droit international. Dre Ewelina Ochab, juriste principale à l’International Bar Association’s Human Rights Institute (IBAHRI), a insisté sur la nécessité de nommer, qualifier juridiquement et poursuivre l’apartheid de genre pour mettre fin à l’impunité. Elle a souligné les avancées juridiques récentes en matière de principe de responsabilité, comme le renvoi par des États parties (disponible en anglais) soutenant l’enquête de la CPI sur l’Afghanistan et les deux demandes de mandat d’arrêt déposées par le Bureau du Procureur de la CPI. En outre, elle a salué l’initiative prise par l’Australie, le Canada, l’Allemagne et les Pays-Bas devant le Comité pour l’élimination de toutes formes de discrimination à l’égard des femmes (disponible en anglais), soutenue par 26 gouvernements, exhortant l’Afghanistan à mettre fin aux violations de la Convention. Dre Ochab a enfin mis en lumière la nécessité de poursuivre ces efforts par des mesures supplémentaires, notamment la saisine de la Cour internationale de justice (CIJ), qui reste une avancée attendue depuis longtemps par la population afghane.
M. Richard Bennett, Rapporteur spécial des Nations Unies sur la situation des droits humains en Afghanistan, a appelé à adopter une approche utilisant « tous les moyens » en matière de principe de responsabilité, garantissant que les droits des femmes afghanes soient au cœur de toutes les réponses internationales. Dans son dernier rapport (disponible en anglais), il détaille la manière dont les talibans ont instrumentalisé le système judiciaire afghan pour imposer un ordre répressif et profondément misogyne. « La justice ne doit pas être un privilège », a-t-il rappelé, soulignant l’urgence de créer les conditions permettant aux femmes et aux filles afghanes de vivre dans la dignité et la liberté. M. Bennett a appelé la communauté internationale à mener des enquêtes tenant compte des questions de genre, et à recourir à la compétence universelle. Il a exhorté les pays à:
Mme Valeria Babără, conseillère juridique auprès de Women's Initiative for Gender Justice, a quant à elle rappelé les retards persistants dans la reconnaissance des préjudices liés au genre, avertissant que la codification ne garantit pas, à elle seule, la mise en œuvre effective du principe de responsabilité. Elle a donc appelé les parties prenantes à soutenir les efforts visant à codifier l’apartheid de genre, à promouvoir son inclusion dans le projet de traité sur les crimes contre l’humanité et à relayer les revendications des Afghan.e.s à travers des résolutions spécifiques.
Donner de la force aux voix afghanes
Mme Mónica Adame, secrétaire générale de PGA, a conclu la table ronde par un appel à l’action commune : veiller à ce que les voix afghanes restent visibles, soutenues et renforcées. Elle a encouragé les membres de PGA à interpeller leurs ministres des Affaires étrangères, afin que ces dernier.ère.s soutiennent les processus en cours pour mettre en œuvre le principe de responsabilité pour l’Afghanistan, notamment en accélérant la procédure afin que le cas soit présenté devant la CIJ. PGA demeure fermement engagée aux côtés des parlementaires afghan.e.s en exil, mobilisant son réseau parlementaire mondial pour promouvoir le principe de responsabilité et restaurer la dignité de la population afghane.






