Plaider pour le principe de responsabilité face à des menaces inédites
La justice internationale est confrontée à des menaces sans précédent dans un contexte d’escalade des conflits armés et d’atrocités de masse. Plus particulièrement, la Cour pénale internationale fait l’objet de sanctions qui compromettent son travail fondamental en faveur des victimes, tandis qu’un État partie, la Hongrie, a décidé de se retirer du Statut de Rome, affaiblissant ainsi davantage l’État de droit à l’intérieur de ses frontières et dans toute l’Union européenne.
Dans ce contexte difficile, le rôle des parlementaires est indispensable, car ils et elles peuvent prendre la parole et adopter des mesures décisives pour protéger les droits des victimes. Consciente de l’importance de ce moment critique, la campagne du Statut de Rome menée par l’Action mondiale des parlementaires a intensifié ses efforts pour promouvoir le principe de responsabilité et renforcer le système du Statut de Rome. Au cours des six derniers mois, nous avons publié des déclarations, organisé et participé à des événements cruciaux, et facilité des visites parlementaires à La Haye, appelant à plusieurs reprises les parties prenantes à mettre en œuvre des mesures concrètes pour défendre le système du Statut de Rome et s’engager dans la lutte contre l’impunité.
Parallèlement, nous préparons la session extraordinaire de l’Assemblée des États parties (7-9 juillet 2025), au cours de laquelle les États examineront les amendements relatifs au crime d’agression. PGA dénonce depuis longtemps le besoin de combler le déficit de principe de responsabilité relatif au crime d’agression, afin de rendre justice aux victimes de l’usage illicite de la force. Cela signifie garantir que la compétence de la Cour pénale internationale sur le crime d’agression soit pleinement alignée sur son mandat de poursuivre et d’enquêter sur les génocides, les crimes contre l’humanité et les crimes de guerre.
L’Action mondiale des parlementaires appelle ses membres à se mobiliser auprès de leurs gouvernements pour veiller à ce que cette occasion cruciale ne soit pas manquée. Ensemble, nous pouvons renforcer le principe de responsabilité relatif au crime d’agression, promouvoir le droit international et défendre les droits des victimes.
Dans cette 11e édition, vous trouverez :
Des avancées prometteuses malgré des défis sans précédent
L’année 2025 a débuté sous des auspices particulièrement prometteurs pour la lutte contre l’impunité : le 1er janvier, l’Ukraine est officiellement devenue le 125e État partie au Statut de Rome. Cette étape majeure, fruit des efforts soutenus des membres de PGA, illustre le principe selon lequel les processus de paix ne doivent jamais se faire au détriment du principe de responsabilité. À l’occasion des trois ans de la guerre à grande échelle en Ukraine, la Dre Galyna Mykhailiuk, députée (Ukraine) et membre du Comité exécutif de PGA, a affirmé : « La paix ne peut exister sans justice, et pour cela, les responsables doivent rendre des comptes, y compris pour le crime d’agression ».
Pourtant, les défis mondiaux se sont intensifiés au cours des six derniers mois. Le 19 février, PGA a exprimé sa vive inquiétude face à l’escalade de la violence en République démocratique du Congo (RDC). Les civils y subissent depuis longtemps des atrocités, les femmes et les filles étant particulièrement touchées. L’honorable Christelle Vuanga, députée (RDC) et membre de PGA, a lancé un appel pressant à l’action : « Nous devons briser le cycle de l’impunité […]. La communauté internationale doit aller au-delà des déclarations et fournir un soutien concret et une solidarité envers la République démocratique du Congo, en prenant des mesures décisives pour protéger les civils, soutenir les survivants.e.s et œuvrer pour une paix juste et durable ».
Parallèlement, la Cour pénale internationale (CPI) a été confrontée à des menaces inédites, notamment des mandats d’arrêt émis par la Fédération de Russie contre des responsables de la Cour, des cyberattaques et des campagnes d’intimidation. En février 2025, l’administration américaine a imposé des sanctions contre le Procureur de la CPI, avant de les étendre à quatre juges en juin 2025. Pour sensibiliser aux pressions exercées, PGA a coorganisé un événement de haut niveau intitulé « Au-delà de la rhétorique : le rôle de l’UE dans la défense de la justice internationale », le 6 mars au Parlement européen. À cette occasion, le Greffier de la CPI a souligné la contribution de la Cour à un monde dans lequel les auteurs d’atrocités sont tenus responsables, rappelant que « la paix n’est pas l’absence de conflit, mais la présence de la justice ». Les participant.e.s, parmi lesquel.le.s M. Juan Fernando López Aguilar, député (Parlement européen) et membre de PGA, ont appelé l’Union européenne à prendre des mesures concrètes pour protéger la Cour, notamment en activant la loi de blocage.
Ces menaces ont de nouveau été mises en lumière lors de la Journée de l’Union européenne contre l’impunité, le 23 mai. L’Initiative mondiale contre l’impunité, dont fait partie l’Action mondiale des parlementaires, a lancé un appel pressant en faveur de l’adoption par l’Union européenne de mesures permettant de prévenir résolument l’érosion du principe de responsabilité et de garantir les droits des victimes. Plus de 50 organisations de la société civile ont signé cette déclaration conjointe.
Ces difficultés se sont encore accrues lorsque, le 2 juin, la Hongrie a officiellement déposé son instrument de retrait du Statut de Rome, ce qui représente un revers majeur pour la lutte contre l’impunité en Europe. Si cette décision s’inscrit « dans un schéma plus large de recul démocratique » dans le pays, comme l’a rappelé Mme Tineke Strik, députée (Parlement européen) et membre de PGA, un tel développement affaiblit les mécanismes relatifs au principe de responsabilité et risque d’encourager ceux qui bafouent l’État de droit. Le retrait de la Hongrie prendra effet dans un an, soit le 2 juin 2026. En réponse, les membres de PGA ont appelé leurs gouvernements à adopter une position claire face à ce recul démocratique.
Renforcer le soutien à l’universalité
L’élargissement de la ratification du Statut de Rome demeure au cœur de la Campagne de l’Action mondiale des parlementaires. Les 22 et 23 janvier, le secrétariat a facilité, pour la deuxième fois, la visite d’une délégation de députés somaliens à La Haye afin de renforcer leur compréhension du rôle de la CPI. Malgré l’instabilité politique du pays, qui freine les progrès, les parlementaires somaliens ont réaffirmé leur engagement en faveur de la ratification, et l’Action mondiale des parlementaires reste prête à soutenir leurs efforts en ce sens.
À l’occasion de la Journée internationale des droits des femmes, le 7 mars, la Campagne pour le Statut de Rome et la Campagne pour le renouveau démocratique et les droits humains ont lancé un appel conjoint à lever tous les obstacles à la participation des femmes à la vie publique. Les député.e.s afghan.ne.s en exil ont alors dénoncé l’oppression systématique des femmes par les talibans, la qualifiant d’« apartheid de genre » institutionnalisé. La reconnaissance de cette réalité est essentielle aux efforts de mise en œuvre du principe de responsabilité, qui doivent adopter une approche centrée sur les survivantes et sensible au genre.
Ces enjeux ont été approfondis lors d’une table ronde de haut niveau le 19 juin, accueillie par le Sénat des Pays-Bas. Des parlementaires afghan.ne.s en exil, des défenseur.e.s des droits humains afghan.ne.s, des sénateurs néerlandais, des expert.e.s internationaux.les ainsi que des représentant.e.s d’organisations de la société civile et d’États ont échangé sur les stratégies visant à maintenir l’Afghanistan à l’agenda international et à poursuivre la justice pour les femmes afghanes, notamment à travers la reconnaissance du crime d’apartheid de genre. La Secrétaire générale de PGA, Mme Mónica Adame, a souligné que les parlementaires du monde entier ont un rôle essentiel à jouer dans la promotion du principe de responsabilité, y compris en plaidant pour que leurs pays saisissent la Cour internationale de justice du dossier afghan.
Des progrès pour le principe de responsabilité
En dépit des obstacles, des avancées significatives ont été enregistrées pour renforcer le principe de responsabilité. Les 15 et 16 janvier, PGA a participé au premier Congrès mondial sur les disparitions forcées à Genève. Alors que seulement 77 États ont ratifié la Convention, le Congrès a appelé à redoubler d’efforts pour promouvoir la ratification universelle. Les membres de PGA, M. Vladimir Vardanyan, député (Arménie), et le sénateur Boris Dittrich (Pays-Bas), ont rappelé le rôle déterminant des parlementaires pour impulser des changements positifs.
Un autre événement majeur s’est produit lorsque les autorités philippines ont procédé, le 11 mars, à l’arrestation de l’ancien président Rodrigo Duterte et à son transfert à la CPI. M. Duterte est poursuivi en qualité de coauteur indirect présumé de crimes contre l’humanité, en lien avec des milliers d’exécutions extrajudiciaires commises durant sa « guerre contre la drogue ». La sénatrice Leila de Lima, députée (Philippines) et membre de PGA, injustement emprisonnée pendant près de sept ans pour s’être opposée aux politiques de Duterte, a déclaré : « Il ne s’agit pas de vengeance. Il s’agit de justice qui suit enfin son cours ».
Depuis plusieurs mois, le secrétariat de l’Action mondiale des parlementaires a intensifié ses efforts de plaidoyer en amont de la session extraordinaire consacrée à l’examen des amendements relatifs au crime d’agression, qui se déroulera à New York, du 7 au 9 juillet.
Cette session offre une occasion unique d’aligner la compétence de la Cour pénale internationale en matière de crime d’agression sur celle qui existe déjà pour les trois autres crimes relevant de sa compétence : le génocide, les crimes contre l’humanité et les crimes de guerre – un enjeu pour lequel PGA plaide de longue date.
Depuis l’activation du crime d’agression en 2018, la CPI est habilitée à poursuivre les responsables politiques et militaires pour les formes les plus graves de recours illégal à la force. Ce mandat revêt une importance croissante, alors que l’ordre international est de plus en plus fragilisé par la multiplication des violations du droit international des droits humains et du droit international humanitaire.
Cependant, le régime de compétence actuel demeure extrêmement restrictif. La CPI ne peut exercer sa compétence sur des actes d’agression impliquant des États non-Parties au Statut de Rome, ni même des États Parties qui n’ont pas formellement accepté la compétence de la Cour en la matière, et ce, même lorsque l’État victime est Partie au Statut. Cette limitation crée une grave lacune en matière de responsabilité, privant de fait de nombreuses victimes de leur droit à la justice.
Alors que les guerres d’agression connaissent un regain inquiétant, il est essentiel de renforcer la responsabilité en matière de crime d’agression. Cette session spéciale constitue une opportunité cruciale de consolider le cadre juridique international visant à prévenir et sanctionner ces actes. L’Action mondiale des parlementaires appelle l’ensemble de ses membres à s’engager auprès de leurs gouvernements respectifs afin de saisir ce moment décisif.
Votre voix et votre action sont plus que jamais nécessaires pour faire avancer le plaidoyer en faveur d’une responsabilisation accrue et inverser cette dynamique. Dans la perspective de la session spéciale, nous vous encourageons vivement à engager le dialogue avec votre ministère des Affaires étrangères :
- Demander à votre gouvernement de confirmer sa participation à la session spéciale auprès de l’Assemblée des États parties au Statut de Rome de la CPI.
- Plaider pour le soutien à l’harmonisation de la compétence de la CPI sur le crime d’agression avec celle applicable aux trois autres crimes principaux, notamment en appuyant la proposition d’amendement soumise par le Costa Rica, l’Allemagne, la Sierra Leone, la Slovénie et le Vanuatu.
- Défendre l’entrée en vigueur de cet amendement selon la même procédure que celle utilisée pour les amendements de Kampala relatifs au crime d’agression – à savoir l’article 121, paragraphe 5, du Statut de Rome, qui régit l’entrée en vigueur des amendements concernant les crimes principaux, y compris le crime d’agression. Toute autre procédure proposée, telle que celle visée à l’article 121, paragraphe 4, du Statut de Rome (comme suggéré par certains États), rendrait l’entrée en vigueur irréaliste, car elle exigerait la ratification de l’amendement par les 7/8 des États Parties – soit actuellement 109 États. Une telle démarche est donc impraticable et surtout, juridiquement inutile.
Si vous souhaitez entreprendre des actions ou si vous avez besoin d’assistance, le secrétariat de PGA est prêt à soutenir vos efforts.


