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Un grand pas pour la justice et le principe de responsabilité en Colombie

Lors d’audiences historiques tenues les 26-27 avril 2022 à Ocaña (Norte de Santander), 11 dirigeants et responsables de l’armée colombienne ont reconnu devant la Chambre de reconnaissance de la vérité, de la responsabilité et de la détermination des faits et des actes – un des cinq organes judiciaires de la Juridiction spéciale pour la paix (JEP) - leur responsabilité dans le cadre du Cas 03 (disponible en espagnol), une des affaires prioritaires de la Juridiction également connue sous le nom de falsos positivos” (faux positifs), des crimes commis dans le contexte du conflit armé qui a duré plusieurs décennies.

Au cours de ces audiences inédites, un ancien général, quatre colonels, cinq responsables de l’armée et un civil ont admis avoir enlevé 120 civils de Catatumbo (Norte de Santander) et des communautés voisines entre 2007 et 2008, pour les assassiner avant de les faire passer pour des membres de groupes armés opérant dans la région. Ces exécutions extrajudiciaires, commises dans plusieurs régions de Colombie pendant la présidence d’Álvaro Uribe, étaient en fait une “stratégie” utilisée afin de renforcer le discours étatique portant sur la victoire du pays dans le conflit. Les “falsos positivos” représentent l’une des périodes les plus emblématiques et les plus sombres de l’histoire récente de la Colombie.

D’après la JEP, le tribunal créé par l’Accord de paix signé entre le Gouvernement et les Forces armées révolutionnaires de Colombie (FARC), ces crimes constituent des crimes de guerre, en tant qu’homicides intentionnels de personnes protégées, ainsi que des crimes contre l’humanité, en tant que meurtres et disparitions forcées de personnes (disponible en espagnol). Pour la première fois, la Colombie et les victimes de ces atrocités de masse ont pu entendre publiquement les auteurs de ces crimes qui ont répondu à des questions relatives à leur implication et à leur responsabilité. Suite à ce développement crucial, le sénateur Iván Cepeda Castro, membre de PGA, partisan de longue date de l’Accord de paix et grand défenseur des droits humains, a souligné que :



Dans ce moment décisif pour notre pays, et alors que le processus de paix signé en 2016 a été critiqué et attaqué à plusieurs reprises par différents acteurs politiques et sociaux, les audiences ayant eu lieu cette semaine sont un exemple clair des avancées importantes que la Juridiction spéciale pour la paix réalise pour clarifier la vérité des faits et rendre justice aux victimes de ces crimes internationaux.

Afin de remplir les objectifs relatifs aux situations transitionnelles qui garantissent la vérité, la justice, la réparation et la non-répétition, et afin de contribuer à la restauration, au maintien de la paix et à la réconciliation nationale, il est d’une importance capitale que les processus cherchant à enquêter sur les crimes internationaux, la vérité et le principe de responsabilité soient reconnus. Les audiences qui se sont tenues cette semaine représentent le point de départ de la mise en œuvre de sanctions alternatives par la JEP qui cherchera à faire justice et à obtenir réparation pour les dommages causés aux victimes. Si les auteurs reconnaissent leur responsabilité dans ces crimes et rétablissent la vérité, ils pourront bénéficier d’une réduction de peine allant de 5 à 8 ans par le biais d’aménagements de peines alternatives, comme l’assignation à résidence ou à la restriction d’autres libertés.



La vérité, la justice, la réparation et les garanties de non-répétition sont un droit inaliénable pour une victime. Ce qui est envisagé avec cette audience de la JEP et celles à venir, c’est de rechercher la vérité sur ce qui s’est passé dans le cadre du conflit armé interne et de contribuer à clarifier les violations commises. Le Gouvernement doit donc garantir le bon fonctionnement de la JEP, comme le prévoit l’Accord de coopération récemment signé entre le Gouvernement colombien et la Cour pénale internationale. Mme Ángela María Robledo, ancienne membre de PGA et ancienne membre de la Chambre des représentants de Colombie

Ces avancées sont considérables, mais il reste encore beaucoup à faire. Les responsables militaires qui auraient commis des crimes sont toujours en activité. En outre et selon certains représentants des victimes, la reconnaissance de la responsabilité complète et substantielle de tous les militaires (article disponible en espagnol) ayant comparu devant la JEP n’a pas eu lieu, et aucun détail n’a été fourni par rapport à la création d’une politique institutionnelle à l’origine de la transmission des ordres de commettre ces crimes d’une extrême gravité.

L’Action Mondiale des Parlementaires (PGA) salue l’avancée de ces étapes cruciales pour la justice et la responsabilité. Néanmoins, PGA souligne que davantage d’efforts doivent être déployés pour traduire en justice les personnes ayant le plus haut degré de responsabilité dans la commission de ces crimes internationaux. Les tribunaux ordinaires, les tribunaux relevant de la loi “Justice et Paix”, et la Juridiction spéciale pour la paix ont fait preuve d’un engagement significatif en initiant, dans leur quête de paix et de justice, des procédures nationales pour que les responsabilités soient établies. Ces progrès montrent que le principe de complémentarité - pierre angulaire du système de la Cour pénale internationale fondé à la fois sur la primauté des juridictions nationales, ainsi que sur des considérations d’efficience et d’efficacité - fonctionne en Colombie. C’est d’ailleurs ce qui a amené le Bureau du Procureur à mettre un terme à son plus long examen préliminaire, puisque ce dernier a considéré que la Colombie n’avait fait preuve “ni d’inactivité, ni d’un manque de volonté, ni d’incapacité à mener de véritables enquêtes et poursuites concernant les crimes relevant du Statut de Rome.”

PGA encourage donc tous les États faisant l’objet d’un examen préliminaire ou d’une enquête, à continuer leur coopération avec la CPI et à prendre toutes les mesures nécessaires pour prévenir et enquêter sur la commission de crimes relevant de sa compétence, à savoir le crime de génocide, les crimes de guerre, les crimes contre l’humanité et le crime d’agression. En outre, les États doivent :

  • Adopter et mettre en œuvre une législation conforme aux normes juridiques internationales afin de se conformer à l’objectif général visant à mettre fin à l’impunité ;
  • Adopter des lois sur la coopération, car celles-ci peuvent accroître la sécurité juridique tant pour les États parties que pour la Cour ; et
  • Prendre des mesures pour ratifier tous les amendements au Statut de Rome.