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Réunion stratégique sur la ratification du Statut de Rome de la CPI par l’Iraq et le Liban

Parliament of Jordan, Amman, July 27, 2015
Parliament of Jordan, Amman, July 27, 2015

27 juillet 2015, Amman, Jordanie

Dans le nord du Liban, en Syrie, en Iraq, et dans de nombreux autres pays de la région Moyen-Orient et Afrique du Nord (MENA), la population civile est constamment attaquée, les minorités et dissidents sont ciblés pour élimination et une culture d’impunité et d’anarchie fournit un terrain fertile à la répétition des atrocités de masse et à la poursuite ou l’escalade du conflit armé.

Mettre un terme au cycle de la violence et à l’impunité est une condition sine qua non à un processus de stabilisation crédible et durable, à l’acceptation des accords de paix par les victimes et communautés affectées, et à l’arrêt d’une spirale sans fin d’injustices, récriminations, vengeance, ripostes et représailles.

Alors que la plupart des gouvernements de la région MENA ont exprimé leur soutien à la Cour pénale internationale (CPI), seuls quelques-uns ont pris les mesures nécessaires pour ratifier ou adhérer à son traité fondateur, le Statut de Rome. À ce jour, 123 États sont parties au Statut de Rome, mais dans la région MENA seules la Jordanie en 2002, la Tunisie en 2011 et la Palestine en 2015 ont décidé d’adhérer au système de la CPI.

Compte tenu de la situation dramatique dans la région depuis le soulèvement en Syrie en 2011 et le débordement du conflit en Irak et au Liban depuis juin 2014, où des crimes contre l’humanité, des crimes de guerre, et même des génocides et crime d’agression sont commis,  mettre fin à l’impunité et briser le cycle de la violence et de la mort sont des impératifs absolus. La Jordanie a également été touchée par les crimes commis par Da’esh/ISIS en étant atteinte par un énorme afflux de réfugiés, qui font davantage pression sur les autorités et la population.

Ces menaces à la stabilité de la région mettent en évidence le travail du réseau mondial de PGA pour mobiliser la communauté international, afin de faire cesser la commission d’atrocités de masse dans la région et dans le monde. Depuis 2006, PGA a partagé des informations et attiré l’attention des politiciens de la région sur le Statut de Rome, ces derniers ayant participé à un certain nombre d’événements de la campagne de PGA pour la CPI, telles que la session à Amman du Groupe de travail de PGA sur l’universalité du Statut de Rome dans la région MENA en octobre 2014 et la 8e Assemblée consultative des parlementaires pour la CPI et l’État de droit, en décembre 2014 à rabat, Maroc.

Le 27 juillet, PGA a donc organisé au parlement de Jordanie une réunion stratégique de suivi de ces deux événements avec des parlementaires de Jordanie et d’Irak, afin de discuter de la responsabilité pour des atrocités de masse et de stratégies pour contrer l’extrémisme violent et protéger les civils dans la région MENA, notamment dans l’objectif de faire progresser la campagne pour la ratification par l’Irak du Statut de Rome et sa mise en œuvre nationale par la Jordanie.

La réunion stratégique a été ouverte par l’Hon. Hazem Qashou, MP et président de la commission des Affaires étrangères de la Cambre de représentants de Jordanie, qui a exprimé sa profonde préoccupation à l’égard de la situation sécuritaire en Jordanie, qui compte actuellement 2 millions de réfugiés sur son territoire, et dans la région en général. Il a appelé la communauté internationale à prendre des mesures et invité ses collègues à discuter et adopter une série de points d’action concrets au cours de cette réunion, afin de répondre aux défis auxquels la région est confrontée et d’y trouver des solutions globales, assurant ainsi le respect de leurs civilisation, patrimoine et valeurs communes.

Lors de cette réunion, les parlementaires de l’Irak et de la Jordanie ont fermement condamné les atrocités commises dans la région et ont appelé à une action plus déterminée de la communauté internationale dans son ensemble ainsi qu’à une action des autorités nationales pour améliorer la protection des civils. Ils ont reconnu que, dans le cadre d’une réponse globale à cette menace, mettre fin à l’impunité pour les atrocités et garantir que les auteurs seront tenus responsables est une priorité à travers la ratification du Statut de Rome. Ils ont félicité la Palestine pour sa récente ratification du Statut de Rome en tant qu’outil préventif pour emp6echer la future commission de crimes internationaux graves, et ont appelé l’Irak à faire de même au vu des crimes commis, par ISIS en particulier.

L’Hon. Vian Dakhil, MP (Irak) et membre de PGA, a rappelé que 400.000 Yézidis sont actuellement des déplacés internes et que 2000 filles et enfants ont été enlevés de force et asservi par ISIS, la majorité d’entre eux étant encore sous son contrôle. L’Hon. Vian Dakhil a travaillé sans relâche pour que les besoins fondamentaux de ces réfugiés soient remplis, tout en essayant de sauver autant que possible des jeunes filles et familles de la sauvagerie d’ISIS, devant parfois payer en échange de leur liberté. Avec certains de ces frères et sœurs, tous médecins, elle a créé un centre de chirurgie reconstructive pour ces rescapés. Elle a cependant souligné que davantage de mesures sont nécessaires pour soutenir et réhabiliter ces victimes, psychologiquement et médicalement. Elle a donc appelé la communauté internationale à soutenir davantage la communauté yézidie et à reconnaître le génocide commis par ISIS contre cette population, demandant une intervention pour faire cesser les atrocités et assurer que les auteurs soient tenus responsables. De ce fait, elle a reconnu la nécessité pour l’Irak de ratifier le Statut de Rome afin de combler le fossé de l’impunité et a exhorté à la création de programmes de réparations pour les victimes d’atrocités de masse.

L’Hon. Faig Al Sheakh Ali, MP et membre de PGA, a rappelé que début 2005, le gouvernement de l’Irak avait pris les mesures nécessaires pour ratifier le Statut de Rome mais était ensuite revenu sur sa décision. Il a encouragé tous les acteurs concernés à faire pression sur le gouvernement irakien pour qu’il ratifie le Statut de Rome, assurant ainsi l’universalité du système afin de mettre fin à l’impunité pour toutes les parties au conflit, tout en reconnaissant le rôle préventif du Statut en tant que garantie pour la non-répétition des crimes. Il a rappelé le récent assassinat par ISIS de 1700 jeunes soldats au Camp Speicher et a condamné le silence qui entoure ce massacre, ainsi que l’inactivité des autorités irakiennes, y compris les responsables de l’armée, pour arrêter ces crimes et assurer que leur responsabilité soit assumée.

Les parlementaires se sont ralliés à la position de PGA, qui suppose que simplement chercher à détruire ou éliminer ISIS et/ou d’autres acteurs d’actes inhumaines étiquetés comme « terroristes » à travers des assassinats ciblés et des exécutions continue à refuser aux victimes l’accès à la justice et à la vérité, et continueront à être utilisés comme propagande par les extrémistes afin de générer une émulation de « martyr » et renforcer le recrutement de combattants étrangers et nationaux. Les parlementaires ont exprimé leurs préoccupations à l’égard de la gravité et de l’efficacité de cette stratégie, et appellent plutôt à adopter des approches globales et multiformes pour contrer l’extrémisme violent et traiter les causes profondes du problème. Ils considèrent qu’il faut se concentrer sur la mise d’un terme à l’augmentation du nombre de combattants et veiller à ce qu’ils fassent face à la justice pour les crimes qu’ils ont commis, aux niveaux national et international, à travers la ratification du Statut de Rome qui permettra l’intervention efficace de la CPI quand et si nécessaire (par exemple dans le cas de la tentative de génocide contre les Yézidis et autres minorités, ou encore dans le cas de crimes contre l’humanité et crimes de guerre dirigés contre les populations civiles de la Syrie et de l’Irak).

Suite à l’intervention de l’Hon. Jamil Nimri, MP, membre éminent de PGA en Jordanie et facilitateur de la réunion, les participants ont reconnu leur rôle de législateurs pour garantir un soutien et engagement plus important à la CPI de la part de leurs gouvernements et circonscriptions, en tant que moyen de contribuer à un ordre international fondé sur le droit plutôt qu’un ordre international fondé sur la force. L’Hon. Abdil Al-Odat, MP (Jordanie), président de la commission des lois de la Chambre des représentants, a également souligné la nécessité de garantir le fonctionnement efficace du principe de complémentarité en mettant en œuvre le Statut de Rome, de manière à compléter les efforts de la CPI et à garantir la responsabilité des auteurs au niveau national, les États ayant la responsabilité première d’enquêter et poursuivre ces crimes.

L’Hon. Dr. Rula Alroob, MP (Jordanie), président de la commission des droits humains de la Chambre de représentants, a quant à lui insisté sur la nécessité de se concentrer sur l’éduction, étant donné que les enfants touchés par les conflits n’ont pas accès aux droits fondamentaux, y compris l’éducation, et pourraient à terme reproduire les mêmes cycles de violence. Cette dernière a également encouragé les efforts pour documenter les atrocités commises dans la région quand elles se produisent, de sorte à éviter toute perte de preuves. Suite à cela, les participants ont reconnu le rôle des organisations non-gouvernementales dans le travail de documentation des atrocités dans la région, ainsi que celui des entités de l’ONU, tels que le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les droits humains et la Commission internationale indépendante sur la Syrie.

Suite à ces discussions fructueuses, les participants se sont mis d’accord sur les points d’action suivants :

I. Expliquer les problématiques et éduquer les parlementaires, autorités gouvernementales et le public en général sur :

  • Les différents niveaux de responsabilité pour les crimes actuellement commis dans la région et l’incapacité à lutter contre l’impunité ;
  • Les différents acteurs impliqués ;
  • La nature différente des crimes commis, de manière à ce que toutes les situations de conflit armés et auteurs présumés ne soient pas mis dans le même panier ;
  • Les différents enjeux et défis en jeu, qui ne peuvent être abordés de manière simpliste à travers les rhétoriques de la lutte contre le terrorisme.

II. Intervenir à travers les stratégies suivantes :

  • Encourager et promouvoir une intervention au sol de la communauté internationale plus puissante et plus efficace, en particulier via l’actuelle coalition internationale contre Da’ech/ISIS, pour garantir et améliorer la protection des civils en vertu du droit international.
  • Donner compétence à la CPI et aux cours nationales pour les crimes d’atrocités de masse (génocide, crimes contre l’humanité, crimes de guerre) en Syrie et en Irak, avant tout par la ratification par les États territoriaux et les États dont les auteurs présumés sont ressortissants, en gardant à l’esprit que la Jordanie, la Palestine, la Tunisie et la plupart des pays européens ont déjà ratifié le traité.

III. Changer à travers les stratégies suivantes :

  • Appeler à la ratification du Statut de Rome de la CPI, particulièrement en Irak, ainsi qu’à son universalité, qui n’a pas encore été atteinte ;
  • Renforcer et réformer la Coalition internationale contre l’extrémisme violent, de manière à ce que la politique d’assassinats ciblés soit interrompue et remplacée par une politique de justice, pour poursuivre autant que possible les auteurs présumés de crimes de masse, qui incluent les attaques commises par les groupes terroristes sur des cibles civiles.
  • Planification minutieuse et détaillée pour l’avenir, en veillant à ce que des mesures importantes soit adoptées pour faire face à la situation post-conflit, même pendant le conflit armé. Ces mesures comprendraient des mécanismes de responsabilité, réparation et réinsertion ainsi que des garanties de non répétition des atrocités de masse. Il s’agit donc de veiller à ce que des mesures proactives sont prises pour promouvoir une paix durable avec un système de justice, et que des leçons soient véritablement tirées des lacunes de l’intervention de la communauté internationale – et de son échec – en Libye.

Enfin, pour effectuer un suivi de ces problématiques importantes et points d’action adoptés durant la réunion, l’ensemble des participants ont reconnu la nécessité d’organiser bientôt un événement parlementaire sur l’État de droit, la responsabilité et la CPI, réunissant des parlementaires de la région et plus particulièrement d’Irak.

PGA reste engagé à collaborer avec ses partenaires, tels que les Nations-Unies, l’Union Européenne et leurs États membres, afin de garantir que sa circonscription parlementaire régionale et mondiale pour l’État de droit, la paix et la démocratie soit capable de développer son potentiel et de servir les meilleurs intérêts et droits fondamentaux des peuples qu’elle représente.