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Les autorités tunisiennes doivent respecter les institutions démocratiques

Rabat, New York

Le président doit garantir le bon fonctionnement des institutions démocratiques et protéger les droits humains. La séparation des pouvoirs est un principe essentiel de la démocratie, qui se traduit par l'interdiction du pouvoir exécutif d'empiéter sur les prérogatives des pouvoirs législatif et judiciaire. La suspension de l'Assemblée des représentants du peuple et la levée de l'immunité parlementaire de ses membres constituent un dangereux précédent pour le pays et la région. Amina Maelainine, députée du Maroc, membre du Comité exécutif de PGA

Le 25 juillet 2021, le Président Kaïs Saïed a annoncé qu'il allait mettre en œuvre des mesures extraordinaires, notamment le limogeage du Premier ministre Hichem Mechichi et d'autres hauts fonctionnaires, la suspension du Parlement pendant trente jours, avec possibilité de prolongation, la levée de l'immunité parlementaire et la prise en charge de la supervision du ministère public.

Ces mesures ont pour effet principal de concentrer le pouvoir entre les seules mains du Président qui a considéré ces actions nécessaires afin de faire face à la crise politique actuelle. M. Saïed a en effet trouvé appui sur l'article 80 de la Constitution de 2014, bien que l'article dispose clairement que le Parlement « est considéré en état de session permanente ». Le 26 juillet 2021, les forces militaires n'ont pas permis aux législateurs, y compris le Président du Parlement, Rachid Ghannouchi, d'entrer dans les locaux du Parlement, et des descentes ont été effectuées par la police dans le bureau d'Al Jazeera à Tunis alors qu’aucun document légal approprié (article disponible en anglais) n’a été présenté.

Ces manœuvres du Président font suite à de violentes manifestations ayant éclatées dans les villes tunisiennes en raison de la mauvaise gestion de la pandémie de COVID-19 par le gouvernement et des graves difficultés économiques. La pandémie a également exacerbé l'agitation politique et depuis la révolution de 2011, appelée printemps arabe, la Tunisie a connu dix gouvernements (article disponible en anglais). 

M. Saïed, ancien professeur de droit constitutionnel sans expérience politique – élu il y a deux ans avec 73% des voix –  a participé à la rédaction de la Constitution tunisienne de 2014. Bien que la Constitution permette au Président de prendre les mesures nécessaires afin de faire face à des circonstances exceptionnelles – plus spécifiquement dans le cas d’un « péril imminent menaçant l’intégrité nationale, la sécurité ou l’indépendance du pays » – l'article 80 limite également le cadre de l'action présidentielle par un système garantissant un certain contrôle et un équilibre dans la prise de décision. Il est notamment prescrit de consulter le Chef du Gouvernement et le Président du Parlement et d'en informer le Président de la Cour constitutionnelle. Les commentateurs ont observé que le large éventail de mesures prises pourrait être considéré comme étant inconstitutionnel.

L'organe représentant l'autorité appropriée pour décider de la constitutionnalité de telles mesures et protéger les droits humains fondamentaux, soit la Cour constitutionnelle, n'a cependant jamais été mise en place. Par conséquent, il y a une absence de responsabilité légale et constitutionnelle pour les actions du Président Saïed. En outre, la suspension du Parlement est interprétée par certains comme un coup d'État à l’encontre du parti politique Ennahda, car ses membres constituent le plus grand bloc au Parlement. M. Ghannouchi a également dénoncé les mesures prise par le Président Saïed comme étant une « tentative de coup d'État contre la Constitution et la révolution démocratique » et une atteinte aux valeurs démocratiques.

PGA exhorte les autorités tunisiennes à respecter les principes démocratiques et à rétablir l'ordre démocratique. Le respect de l'indépendance judiciaire, des droits humains et des droits civils et politiques, ainsi que la séparation des pouvoirs, sont des éléments fondamentaux de l'État de droit. Les droits des parlementaires doivent être respectés, car ils ont le devoir de demander des comptes au pouvoir exécutif et de veiller à ce que le cadre institutionnel garantisse la protection des droits humains. Les journalistes doivent être libres d'enquêter et d'informer la population sans crainte de persécution et d'intimidation.

En tant que seule démocratie à émerger des manifestations du printemps arabe qui ont renversé des dictateurs de la région, il est primordial que toutes les institutions tunisiennes, y compris le Parlement, soient renforcées dans le but de parvenir à une société plus prospère, démocratique, inclusive et pacifique.

 


Amina Maelainine, députée du Maroc, membre du Comité exécutif de PGA
Amina Maelainine, députée du Maroc, membre du Comité exécutif de PGA